Encore et toujours debout à Gaza

Rencontre avec le président de l’Association France Palestine Solidarité de Lorraine Sud. Bien implantée à Nancy, Assemblage a voulu savoir comment l’association a évolué depuis le 7 octobre.

Asbg : Comment le conflit avec la Palestine a modifié l’AFPS localement et en France ?

Pour comprendre ces évolutions, il faut savoir que l’AFPS agit depuis plus de 20 ans pour les droits des palestinien.nes par des actions de sensibilisations ou d’actions concrètes. On ne fait pas du caritatif car on se bat contre la colonisation donc nous sommes un groupe politique avec une dimension d’aide internationale. Nous sommes passés de 5000 à 7000 adhérents environ depuis le 7 octobre 2023. Il y a des adhérent.es qui sont beaucoup dans la lutte politique, nous sommes nombreu.ses également dans la solidarité mais certaines personnes avaient une approche un peu caritative du soutien à la Palestine. Le 7 octobre a permis de bousculer l’AFPS et a fait décaler le curseur politique. L’AFPS a des habitudes et parfois des lourdeurs mais il y a plus de jeunes et des revendications qui ont fait décaler le côté caritatif au profit d’une repolitisation de la cause. À Nancy, il y a eu la naissance d’approches différentes avec « Artiste Against Apartheid », les BBG, le MELP, Aplor donc l’AFPS a eu besoin de s’ouvrir et de se questionner pour apprendre à composer et renouveler ses manières de faire.

Asbg : Combien de manifestations, actions ou conférences vous avez organisées depuis le 7 octobre 2023 ?

Entre le 7 octobre 2023 et mars 2025 l’AFPS locale a tenu 47 initiatives : • 8 points de rencontre • 12 manifestations • 7 rassemblements • 4 actions BDS (Boycott) • 5 conférences • 4 projections/débats • 5 soirées de soutiens • 2 tournois de foot

On organise différents évènements pour sensibiliser différents publics. Cette diversité d’action permet de visibiliser que les citoyens et citoyennes nancéien.nes soutiennent ce peuple qui en a tant besoin et que les discours pro-israëliens ne représentent pas la population locale.

Nous avons également mené des actions de boycott contre Carrefour ou la BNP qui sont des soutiens économiques de la colonisation ou encore des tournois de foot pour aller plus vers les jeunes des quartiers. Il faut vraiment comprendre l’importance de ce genre d’évènement pour faire exister la culture palestinienne en dehors du seul discours politique. Ces actions permettent de l’ancrer dans une réalité, ici la pratique du foot avec la mise en avant des noms de village de Palestine participent de l’entretien de cette identité.

L’important pour nous, c’est de ne pas tomber dans une routine afin de ne pas banaliser ce qu’il se passe, donc on varie les formes. Par exemple les « 4 heures pour GAZA », c’était des témoignages avec des petits films sur « Gaza avant » et « Gaza après ». Il y avait des initiatives très diverses, l’entrée était gratuite et les gens pouvaient donner ce qu’ils voulaient. Ça nous a permis de lever 4 000 euros ! À côté de cela il y a eu les interventions comme celle de Zyad Majed ou de la juriste du droit international Mme Chemillier-Gendreau. Enfin les points de rencontre, c’est très efficace pour parler aux gens. On se met avec une table et des tracts à des endroits passant de la ville, vers la place Stanislas ou le centre commercial Saint-Sebastien et on discute avec les passant.es. C’est moins démonstratif qu’une manifestation mais plus efficace pour faire changer les avis.

Asbg : Est-ce que vous sentez que vous avez réussi à faire bouger les choses localement vis-à-vis de la population ou des collectifs militants ?

Le 7 octobre a eu des conséquences internationales évidemment mais aussi dans la gauche. La puissance du lobby sioniste et ses points d’appui ont créé un trouble dans de nombreuses associations et ça s’est vu localement, car on a jamais réussi à mobiliser plus de 1000 personnes à Nancy alors que c’était possible dans les années 2010. On ne voit plus les partis à part LFI. On ne voit plus les syndicats à part Solidaires. Même des associations comme Amnesty Internationale ou la Ligue des Droits de l’Homme sont bloquées par des débats internes sur soutenir ou non la Palestine… sous couvert de débat sur le terrorisme alors que c’est un débat qui a été lancé par la droite et l’extrême droite ! De plus ça tournait encore récemment autour du 7 octobre sans considération pour plus d’un an de génocide. Ça démontre l’aveuglement d’une partie de la gauche qui se perd dans des débats idéologiques alors que les faits sont là. On sent bien que la gauche n’est plus dans la lutte contre la colonisation, contre l’impérialisme et contre le capitalisme. On peut dire que localement ou nationalement les manifestations pour la Palestine ont dévoilé des fractures à gauche.

En termes de présence locale on a aussi eu des rencontres nouvelles comme avec les antifascistes par exemple qui ont pris fait et cause pour ce combat. On aurait pu penser aussi que les familles issues de l’immigration se seraient mobilisées mais globalement on les a peu vues par rapport à avant. Pour nous, le climat islamophobe et l’aggravation du racisme les a bloquées par rapport aux mobilisations passées où on les voyait plus.

Asbg : Et concernant les responsables politiques ?

Aujourd’hui on va vers la liquidation programmée du peuple palestinien. Ce n’est pas une destruction comme la Shoah, c’est la somme d’une invisibilisation décidée et orchestrée par la dissémination et le nettoyage ethnique. Nous, on veut pousser tout le monde dans ses retranchements face à la nouvelle situation qui s’ouvre. On rencontre les députés et sénateurs (RN exclu) pour agir sur différents points : • La reconnaissance de l’État palestinien • Des sanctions contre le favoritisme envers des produits israéliens illégaux • L’arrêt de la colonisation. L’ONU a fixé la date du 18 septembre pour le retrait des Israéliens des territoires occupés donc on souhaite que les représentants de l’État français appuient cette décision du droit international.

On a 3 députés socialistes sur 4 en Meurthe-et-Moselle sud. Ils ne sont pas opposés frontalement à nous contrairement à d’autres, mais ne sont pas des soutiens actifs et visibles. Ils sont plutôt sur le retrait.

Sinon localement ce sont les maires de Tomblaine et Vandœuvre qui affichent leur soutien. À Nancy, il n’y a pas d’hostilité mais pas de soutien visible. Nous, on souhaite renommer une rue nancéienne du nom du poète Mahmoud Darwich. Comme le maire de Nancy veut être « équilibré » et qu’il y a une allée du nom d’une ville israélienne à la Pépinière, on veut le prendre au mot et participer à l’équilibre en ayant une rue portant le nom d’un Palestinien.

Asbg : Quel est ton sentiment global par rapport aux évolutions récentes ?

Globalement, la situation est compliquée car la position hyper agressive des USA et d’Israël a été dévastatrice, mais force est de constater qu’après 75 ans d’occupation, le peuple palestinien résiste toujours et est encore debout à Gaza, alors que la société israélienne se fissure. Nous entrons dans une période vraiment dure mais sur laquelle se jouent des enjeux énormes de reconnaissance des droits des peuples, qui peuvent compter sur la détermination des palestinien.nes à ne jamais renoncer à exister.

afpslorsud@orange.fr